La couverture aérienne rapprochée consistera en une simple interaction entre des troupes au sol et un appareil piloté ou robotisé dans les airs. Tel est le voeu du DARPA qui considère les intermédiaires hiérarchiques comme un facteur d’inertie.
La demande d’un appui aérien rapproché (Close Air Support ou CAS) par une compagnie en pleine action relève en arrière-plan d’un véritable processus administratif impliquant des états-majors (commandant air, commandant interarmées, etc), des C2, des analystes militaires, et même des political advisors (ou polad) et des juristes.
Perçue comme une inertie sans fin par l’agence de recherche du Pentagone, cette intermédiation multiple permet de coordonner les opérations d’attaque au sol, d’affiner l’efficacité des frappes et leur conformité aux règles d’engagement, et d’éviter autant que possible de tragiques bavures… et donc de fâcheux incidents sur le plan politique comme médiatique. Une donne amplement vérifiée sur ce « théâtre des perceptions » qu’est l’Afghanistan.
« Dans les années 2000, le temps d’attente entre une demande d’appui-feu aérien et sa réalisation a été réduit de 90 minutes, en moyenne, durant la guerre d’Afghanistan en 2001/2002 à un peu moins de 20 minutes durant la guerre d’Irak à partir de 2003. Dans certains cas, les attaques se sont déroulées 12 minutes après la demande, poussant l’US Air Force a déclarer qu’elle entendait, pour les opérations futures, passer en dessous du “single digit” et mener ses frappes moins de 10 minutes après un appel » (cf. Wikipedia).
D’où le Persistent Close Air Support Program (PCAS) réduisant ce processus à deux étapes : la requête par radio des troupes au sol et l’intervention d’un avion d’attaque au sol – de préférence, un A-10 Wartog piloté ou robotisé, selon le DARPA - orbitant à proximité. De plus, le contrôleur tactique air-sol (Joint Terminal Attack Controller ou JTAC : l’officier requérant et orientant la couverture aérienne) sélectionnera librement les armes à utiliser et les cibles à atteindre.
Dans un article précédent, j’avais signalé à quel point le drone est perçu par plusieurs uniformes blancs comme une technologie disruptive menaçant métiers et hiérarchies, ainsi qu’une certaine conception de l’aviation de chasse. En outre, il introduira des paradigmes - technologiques, tactiques, stratégiques, éthiques - à peine perceptibles voire inimaginables à l’heure actuelle.
D’où quelques questions essentielles : le PCAS court-circuitera-t-il peu ou prou maintes fonctions de C2 (commandement, contrôle… et coordination) ? Quelles répercussions tous azimuts lorsqu’une armée aura étendu ce système à l’ensemble de ses troupes ? Est-il compatible avec la stratégie actuelle de la FIAS en Afghanistan limitant l’usage de la force aérienne et réglementant ses règles d’engagement afin de réduire les pertes civiles ?
À l’ère des TIC et d’une robotique en perpétuel perfectionnement, la désintermédiation à l’oeuvre dans la boucle opérationnelle relève d’ores et déjà d’une inéluctabilité, a fortiori au sein d’une armée américaine obsédée par la réduction de la boucle OODA (Observation, Orientation, Décision, Action). En outre, n’oublions point qu’il s’agit du DARPA, centre de recherche naturellement fondé sur la prospective et dont la perspective ne saurait se restreindre aux opérations de contre-insurrection ou au théâtre afghan. Après tout, les États-Unis et l’OTAN auront peut-être d’autres (types de) guerres à mener en d’autres lieux.
L’outil ne valant que par la main qui l’anime, selon le Maréchal de Lattre, gageons qu’il y aura toujours des officiers supérieurs, des analystes militaires, des conseillers politiques et des juristes jugeant préalablement – dans la mesure du possible – de la nécéssité et de la probité d’une d’une frappe aérienne.
Danger Room : Darpa Plots Death From Above, On-Demand
Charles Bwele, Électrosphère
Cet article est repris du site http://www.alliancegeostrategique.o...