DRAFT 1 : 9ème JOURNEE DU DIALOGUE SOCIAL AU SUD KIVU
RECOMMANDATIONS DES PARTICIPANTS
Les présentes recommandations ont été formulées par les participants à la 9ème Journée du Dialogue social, organisé par la Société Civile du Sud Kivu avec l’appui de l’Institut Electoral pour une Démocratie Durable en Afrique « EISA » en date du 28 octobre 2010 dans la Salle Concordia de l’Archevêché de Bukavu.
Le Dialogue avait pour thème :
« Incidence de la décision du Chef de l’Etat portant suspension de l’exploitation artisanale des substances minérales sur la situation socioéconomique et sécuritaire de la province du Sud Kivu : défis et perspectives »
Ont pris part à cette journée, les représentants du Gouvernement provincial (le Ministre provincial des Mines), les responsables des services de l’administration publique concernés par le secteur minier en province (Chef de Division des Mines, le Chef d’Antenne de SAESSCAM, le Chef d’Antenne du CEEC, le Chef d’Antenne du CTCPM), les délégués des associations de la Société Civile du Sud Kivu, les représentants des Négociants et des Exploitants Miniers artisanaux, les gestionnaires des coopératives d’épargne et de crédit, des Banques locales, de la CADEC, les délégués des Opérations Amani Leo, de la 10ème Région Militaire et de la Police Nationale Congolaise, les responsables des comités des marchés locaux de la ville de Bukavu,…
A l’issue des travaux, les participants ont formulé les recommandations suivantes :
1. Que le gouvernement tienne compte de l’état de paupérisation et de vulnérabilité extrême de la population, en particulier celle des milieux ruraux dont la vie dépend en grande partie de l’exploitation artisanale des substances minérales, notamment en procédant à l’assouplissement de la mesure par sa levée. Cependant, le gouvernement devra mettre en place des mécanismes rationnels de contrôle des opérations liées à l’exportation. Cette stratégie permettra la revalorisation des institutions publiques impliquées dans la chaine d’exportation des substances minérales. En effet, les participants, tout en encourageant le gouvernement dans la réforme du secteur minier devra tout de même tenir compte des aspects sociaux liés à cette mesure ; car les conséquences politiques de cette décision qui intervient à la veille des élections peuvent être dévastatrices ;
2. Que le ministère national des mines obtienne de l’assemblée nationale qu’une loi soit prise dans le sens que les Entités locales territoriales qui abritent l’exploitation minière artisanale bénéficient directement d’une quotité sur toutes les recettes générées par ce secteur. Cette quotité serait versée dans les actions de développement de l’entité concernée et gérée par l’entité, la société civile et la Fédération des entrepreneures du Congo. L’exactitude du montant perçu serait vérifiée dans le cadre de l’Initiative de transparence des industries extractives « ITIE ». Cette recommandation repose sur le principe que les produits de l’exploitation des ressources naturelles doivent profiter aux communautés locales dans une perspective de gestion participative ;
3. Que le gouvernement s’implique effectivement dans les projets de traçabilité étant donné leur finalité est celle entre autre de lutter contre la fraude sur la base des fausses déclarations des statistiques de la production artisanale des minerais. C’est le cas du carré de Kalimbi à Nyabibwe dans le territoire de Kalehe avant le système d’étiquetage ITSCI ;
4. Que le Gouvernement, dans unes approche pluri ministérielle et en lien avec les acteurs sociaux concernés analyse les causes profondes de l’exploitation et du commerce illégale des ressources minérales et leurs corollaires, notamment la prolifération des groupes mafieux et bandes armés et le trafic d’armes légères base de l’insécurité grandissante et l’appauvrissement à outrance de la population ;
5. Que la 10ème Région Militaire, collaboration avec la Société Civile du Sud Kivu, commandite une enquête visant à mettre à l’évidence l’implication de ses éléments dans les opérations d’exploitation artisanale des minerais dans la province du Sud Kivu. Les résultats de cette documentation permettront au Chef de l’Etat de prendre des mesures adéquates qui s’imposent à l’endroit des récalcitrants.
6. Que le gouvernement en collaboration avec la MONUSCO, tout en poursuivant les opérations militaires contre les FDLR procède à recentrer les militaires sur les cibles et objectifs purement militaires, démilitarise les carrés miniers et y déploie les éléments de la Police des Mines. Sur cette même lancée, le gouvernement devra prendre des dispositions adéquates de sécurisation des frontières par le déploiement effectif de la Police des Frontières. Des opérations régulières de permutation des troupes en opérations dans les zones minières sont vivement recommandées afin qu’elles ne prennent goût à l’exploitation artisanale des minerais et nouent des alliances contre nature ;
7. Définir une politique d’encadrement adéquat des exploitants miniers artisanaux ou creuseurs qui dans la réalité du Sud Kivu demeurent une pépinière éventuelle des groupes armés. Une telle politique permettra aux exploitants miniers artisanaux de se désolidariser des groupes armés impliqués dans la fraude et la contrebande et de devenir un véritable moteur de sécurité et de développement local ;
8. A travers une campagne d’explication et de clarification, impliquer officiellement la société civile dans la vulgarisation des mesures d’encadrement de la décision du Chef de l’Etat et dans la stratégie de leur mise en œuvre ;
9. Qu’en cette période de suspension de l’exploitation artisanale des minerais, que le Ministère des mines à travers ses services sur terrain et en collaboration avec les organisations de la Société Civile impliquées dans le secteur, lance une vaste campagne d’identification des différents acteurs impliqués dans la chaine minière à l’Est de la RD Congo, en particulier les creuseurs et les organiser en coopératives. Celles-ci doivent être subventionnées ou rechercher éventuellement les bailleurs de fonds pour appuyer l’activité d’exploitation artisanale aux fins de la promotion du développement rural minier. Cette campagne devra intégrer aussi la vulgarisation du code minier congolais et la formation des acteurs de la chaine minière, en particulier, les exploitants miniers artisanaux sur leurs droits et devoirs ;
10. Que le gouvernement canalisent les interventions des investisseurs internationaux dans le secteur minier en RD Congo conformément aux normes internationales et à la législation nationale en la matière. Le gouvernement devra mettre un accent sur la responsabilité sociale de ces entreprises. Ces entreprises doivent intégrer dans leurs activités la dimension sociale et environnementale ;
11. Que le gouvernement en collaboration avec la Société Civile du Sud Kivu mette en place des structures communautaires de transformation des conflits à liés à l’exploitation minière, à la déportation des communautés et servir de cadre de dialogue intercommunautaire entre les communautés et négociants, exportateurs et exploitants industriels des minerais dans la province du Sud Kivu (cas des familles qui se battent sur la propriété des sites minier de Mukungwe en territoire de Walungu au Sud Kivu qui fait régulièrement des morts) ;
12. Que le gouvernement prenne des mesures de sécurisation de l’espace aérien congolais à proximité des zones d’exploitation minière, notamment les aérodromes et autres pistes d’atterrissage ;
13. Qu’une politique visant l’industrialisation progressive de l’exploitation minière au Sud Kivu soit mise en place et qu’en avance, des zones à vocation d’exploitation artisanale soient déterminées pour éviter les conflits entre les détenteurs des titres de recherche ou d’exploitation avec la population ;
14. Qu’à la levée de la décision, au niveau provincial, le gouvernement mette en place un comité provincial multi acteurs de suivi (ministère des mines, administration provinciale minière, assemblée provinciale, société civile, Police Nationale, Armée,…) pour veiller à l’éthique et à l’application effective des différentes mesures de mise en œuvre – et de tenir compte de l’implication des acteurs effectifs du secteur, notamment les comptoirs agrées. De même, ce comité devra revisiter touts les contrats et titres miniers en vue de la déchéance de celles non mis en valeurs ;
15. Que le gouvernement assure une politique sociale particulière aux forces de l’ordre ainsi qu’aux fonctionnaires de l’Etat tenant compte de la pénibilité de leur mission constitutionnelle et prendre des mesures mettant hors d’état de nuire, tout policier, soldat ou officier qui de prêt ou de loin s’adonnerait à l’exploitation et ou à la commercialisation au niveau local, national ou international des substances minérales. Il est estimé très graves ou haute trahison l’implication des agents de l’ordre public dans une telle activité qui les amènent à développer des réseaux mafieux contre nature ;
16. Que très rapidement, le gouvernement mettent en œuvre les mesures d’application contenu dans les arrêtés n° 0705 et 0706 afin que la décision suspendant l’exploitation artisanale des substances minérales dans le Kivu ne puisse produire des effets pervers profitables notamment aux économies de certains pays voisins comme cela a été le cas avant la prise de la dite décision. Ceci permettra aussi aux différentes initiatives internationales de promotion de la transparence, de la traçabilité et de la certification de redémarrer leurs activités ;
17. Que dans une approche participative et multisectoriel, le gouvernement définisse une politique économique intégrant l’exploitation minière artisanale et ou industrielle à d’autres secteurs de développement rural, le désenclavement par la réhabilitation et la création des routes de déserte agricole, la relance du potentiel agropastoral et la pêche dans les zones d’exploitation. La capitalisation des potentialités existant dans les domaines artisanal et touristique constitue une autre alternative profitable à l’économie et l’amélioration des conditions de vie des citoyens ;
18. Le Gouvernement, profitant des opportunités qu’offre le Programme de Renforcement des Capacités en Gouvernance ou PRCG, programme financé dans le cadre du partenariat entre la RD Congo et la Banque Mondiale, devra mettre en place au niveau provincial et national, un système d’informatisé du secteur minier afin de lutter contre la fraude et la contrebande – et partant de maximiser les recettes publiques générées par le secteur miniers au Sud Kivu ;
19. Qu’à la prochaine session parlementaire, l’Assemblée provinciale du Sud Kivu prenne un édit portant interdiction du travail des enfants mineurs dans les sites miniers et ce, en se référant à la réglementation de l’Office Internationale du Travail OIT et à d’autres instruments juridiques nationaux et internationaux ;
20. Vu le caractère brutal de la décision, que le gouvernement accorde un moratoire pour l’écoulement du stock physique des minerais en souffrance aussi bien dans les comptoirs que dans les maisons d’achat en ville comme à l’intérieur de la province du Sud Kivu afin d’éviter la contrebande et la fraude massive des minerais ;
21. Que le gouvernement alloue un budget conséquent au ministère des mines pour lui permettre d’effectuer en particulier les tâches édictées par l’article 1er de l’arrêté ministériel n°706/CAB/MIN-MINES/01/2010 du 20 septembre 2010 et en générale de mettre en œuvre toutes les mesures d’application liées à la décision du Chef de l’Etat. Les Organisations de la Société Civile impliquées dans l’amélioration de la gouvernance du secteur minier seront éligibles à ce budget et travailleront sous la supervision du ministère des mines en province, notamment en ce qui le renforcement des capacités organisationnelles et fonctionnelles des exploitants miniers artisanaux en coopératives et le renforcement des capacités de gestion des membres ;
22. Que le gouvernement renforce les mesures de sécurité dans les zones minières et y installe les succursales de la Banque Centrale ou de la CADECO dans les territoires à vocation minière afin d’éviter l’évasion des recettes publiques et d’alimenter efficacement le compte du Trésor Public par la promotion de la traçabilité des recettes ;
23. Que le Bureau de Coordination de la Société Civile travaille en collaboration avec le Bureau de l’Assemblée provinciale pour la validation de ces recommandations et d’en faire un seul cahier de charges de la population du Sud Kivu afin d’accompagner la décision du Chef de l’Etat aux fins de renforcer la sécurité humaine.
24. Que les décideurs politiques impliquent la Société Civile dans ces types de décision étant donné sa connaissance profonde des besoins de la population et de la situation réelle sur le terrain.
Fait à Bukavu, le 22 octobre 2010.
Cyprien BIRHINGINGWA MUGABO
Président Société Civile du Sud Kivu
CENADEP Antenne du Kivu"
Bukavu - Sud Kivu/RD Congo
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Cet article est repris du site http://www.societecivile.cd/node/4461