Dans le procès intenté à Victoire Ingabire, présidente du parti politique FDU Inkingi incarcérée au Rwanda depuis octobre 2010, le procureur relayé par la presse pro-gouvernementale met en exergue un certain « Major » Vital Uwumuremyi qui, comme « officier supérieur » de l’armée, reconnait avoir collaboré avec Victoire Ingabire dans des plans de déstabilisation du pays. La façon dont le grade de Major jamais acquis par ce quidam est brandi par le régime contraste avec son attitude dédaigneuse à reconnaitre d’autres officiers non issues de la même moule que ceux de l’APR (Armée Patriotique Rwandaise issue du maquis ougandais).

En effet, le sieur Vital Uwumuremyi présenté par le procureur comme « Major de l’armée » et « complice de Victoire Ingabire » n’a jamais été militaire. Pour être Major, cela suppose qu’il ait auparavant été sous-lieutenant, puis lieutenant et capitaine avant de devenir Major. Or jusqu’en 1994, Vital Uwumuremyi n’était pas officier dans les FAR (Forces Armées Rwandaises) et même pas candidat officier parmi les élèves en formation. Nous avons la liste exhaustive des officiers en service au sein des FAR en 1994 ainsi que celle des élèves candidats officiers. Vital Umumuremyi, même sous ses innombrables identités auxquelles il se présente, ne figure nulle part. Et pour cause, il n’avait même pas achevé ses études d’enseignement secondaire. D’après nos recherches en RDC, il existe des indices pouvant permettre d’affirmer qu’il aurait rejoint le centre de formation mis en place par le Commandement des FDLR qui devait former les jeunes cadres parmi les réfugiés pourchassés par l’APR pour en faire des officiers, mais il n’a jamais été ni nommé officier ni encore moins exercé un quelconque commandement au sein des FDLR.

En 2008, il déserte et se rend au FPR. Il se présentera alors comme « Major » et comme tel subira les séances de lavage de cerveau dans le camp de Mutobo. Le régime qui s’y connaît en matière de supercherie va le démobiliser en se moquant bien du grade ronflant de « Major » qu’il s’était affublé et il fut renvoyé à la vie civile comme simple citoyen. Il deviendra alors courtier ou plutôt « démarcheur-fraudeur » opérant entre le Rwanda et la RDC.

En janvier 2010, Victoire Ingabire rentre au Rwanda pour défier Kagame. Celui-ci décrétera que cette femme doit être enfermée. Entretemps le courtier Vital Uwumuremyi qui connaissait Victoire Ingabire avait œuvré dans la recherche d’une maison à louer pour loger la présidente des FDU. C’est alors que le constatant et connaissant la vulnérabilité de l’individu, les services secrets du régime le propulsent au devant de la scène avec le grade ronflant grade de Major dont il ignore jusqu’à quel échelon il se situe et le convainquent de charger Victoire Ingabire et l’ordonnent de plaider « coupable » !

Il est étonnant que le régime du FPR et surtout la presse à sa solde s’empressent de reconnaître à un aventurier un grade d’officier supérieur qu’il n’a pas et qu’il ne mérite même pas, simplement dans le but de charger un opposant politique. Ce qui est révoltant, c’est de constater que le même FPR avait dénié aux vrais officiers supérieurs qui en avaient la formation et régulièrement nommés à ce grade, mais les a tout simplement fait disparaître. Dès juillet 1994, en nous limitant au seul grade de Major que le régime veut à tout prix affubler le charlatan Vital Uwumuremyi, nous pouvons aligner plusieurs noms d’officiers qui furent éliminés pour simplement avoir été des vrais Majors.

- Major BEM (Breveté d’Etat Major) Mutambuka Gaspard, rentré du Zaïre en août 1994, il fut porté disparu ;
- Major Bizabarimana Laurent, diplômé du « General Staff and Command College » de Fort Leevenhood, Kansas aux USA (où Kagame n’a passé qu’un mois), fut assassiné en janvier 1997 chez lui à Nyarutovu -Ruhengeri :
- Major Uwimana François-Xavier, qui fut instructeur au Centre d’entraînement Commando de Bigogwe, assassiné chez lui en commune Nyamyumba en janvier 1997 après son retour du Zaire ;
- Major IR (Ingénieur Polythechnicien) Rugambage Lambert, qui avait rejoint le FPR dès juillet 1994 mais qui fut froidement exécuté dans la prison militaire de Kanombe ;
- Major Ir d’Avi (Ingénieur d’aviation mécanicien navigant) Rutayisire Alfred qui s’est rendu au FPR dès 1994 mais lâchement exécuté à Mulindi de Kanombe ;
- Major Rurangwa André, qui fut lui aussi assassiné en 1994 alors qu’il s’était volontairement rendu au FPR.
- etc…

Il est scandaleux que les départements « régaliens » au Rwanda, que sont l’armée et la justice, qui devraient normalement incarner et garantir la dignité et l’honneur national, se prêtent aux manœuvres politiciennes pour laisser galvauder la notion de l’honneur de l’officier en affublant ce titre au premier délateur venu pourvu qu’il charge un opposant au FPR. Les officiers et les magistrats rwandais devraient comme moi en avoir honte.

Emmanuel Neretse
27/11/2010

Cet article est repris du site http://www.musabyimana.be/lire/arti...