Reporters sans frontières salue la décision du tribunal de Makhatchkala de rejeter la plainte qui visait cinq journalistes de l’hebdomadaire indépendant Tchernovik pour « extrémisme ». « Les organes de sécurité et le parquet du Daghestan auront fait feu de tout bois pour réduire au silence ce titre, qui constitue la principale voix indépendante de la république. Mais l’accusation était si absurde qu’elle n’a pas eu raison du journal. »
Nadira Isayeva, la rédactrice en chef, ainsi que Biakay Magomedov, Artur Mamayev, Magomed Magomedov et Timur Mustafayev étaient poursuivis depuis 2008 pour “incitation à la haine” et “atteinte à l’honneur des forces de l’ordre en tant que groupe social” suite à la parution d’une série d’articles critiques de la police régionale et du FSB. Un des articles mis en cause, intitulé “Le terroriste numéro un”, rapportait les propos du leader d’un groupe rebelle combattant au Daghestan, Rappan Khalilov. Des perquisitions illégales avaient été menées dans les locaux du journal et aux domiciles des journalistes.
L’accusation reposait en grande partie sur une “expertise psychologique et linguistique”. Mais celle-ci ayant été contestée, le dossier avait été renvoyé en juillet 2009 à l’arbitrage du Centre fédéral d’expertise judiciaire (FTsCE) de Moscou pour une nouvelle analyse. Son rapport, communiqué le 4 mai 2011 par la juge du tribunal de Makhatchkala, conclut que l’article incriminé ne permet pas de fonder l’accusation. Dans une ultime tentative de renverser l’issue du procès, le parquet a été jusqu’à demander une énième expertise, mais sa requête a été rejetée.
“Avec le rapport d’expertise du FTsCE, l’accusation a été privée de tout élément de crime. Je pense que les jurés n’ont plus d’autre issue que de nous acquitter”, avait déclaré Biakay Magomedov à Reporters sans frontières après la dernière audience. Cependant, le journaliste n’exclut pas que l’accusation fasse maintenant appel.
Tchernovik est victime d’un acharnement judiciaire particulier. À l’initiative de la direction territoriale du Roskomnadzor (le service fédéral de surveillance dans le domaine des communications) et du parquet de la république du Daghestan, une plainte avait été déposée au civil pour demander la fermeture du journal. La Cour suprême du Daghestan l’avait rejetée en septembre 2010. Le journal, qui prend le risque de relater les opérations spéciales et les disparitions malheureusement très fréquentes dans la république caucasienne, fait régulièrement l’objet de pressions. En 2009, le nom de trois journalistes de Tchernovik figurait sur une liste anonyme de “personnes à abattre” diffusée dans les rues de Makhatchkala.
“Au Daghestan, où se multiplient agressions, enlèvements et assassinats, les journalistes risquent leur vie pour informer la population. Des éléments des organes de sécurité sont fréquemment accusés de corruption et d’être partie prenante dans la déstabilisation de la république. Dans ce contexte, l’acquittement de Tchernovik constitue une lueur d’espoir. La justice doit continuer de faire la preuve de son indépendance, en particulier en s’attaquant sérieusement à l’impunité des assassins et des agresseurs de journalistes”, a conclu l’organisation.
27.08.2008-Les domiciles de plusieurs journalistes daghestanais perquisitionnés
Le 26 août 2008, les domiciles de plusieurs journalistes de l’hebdomadaire indépendant Tchernovik ont été perquisitionnés dans le cadre d’une enquête criminelle entamée par la justice du Daghestan (république russe du Caucase Nord). Nadira Isaeva, rédactrice en chef du journal, est poursuivie pour “incitation à la haine” et “atteinte à la dignité humaine” après avoir cité le leader des boïévikis (combattants indépendantistes) dans un article.
“Nous dénonçons les poursuites engagées contre Tchernovik, hebdomadaire indépendant du Daghestan. Les faits invoqués pour justifier ces poursuites ne sont que des prétextes pour empêcher des journalistes indépendants de s’exprimer librement”, a déclaré Reporters sans frontières.
Le 26 août, des fonctionnaires du parquet et de la police du Daghestan ont perquisitionné les domiciles de Khadjimourat Kamalov, fondateur de l’hebdomadaire Tchernovik, d’Artur Mammaev, journaliste politique, et de Nadira Isaeva, rédactrice en chef.
Le 31 juillet dernier, deux affaires criminelles ont été ouvertes contre le journal et sa rédactrice en chef pour “incitation publique, par voie de média, à l’extrémisme” et “incitation à la haine et atteinte à la dignité humaine”. Ces poursuites sont liées à la publication par le journal, le 4 juillet 2008, d’un article intitulé “Les terroristes numéro un” reprenant des déclarations de Rappan Khalilov, le chef des boïévikis. Le procureur du Daghestan, Igor Tkachev, a déclaré que “la publication dans le journal de déclarations du chef des boïévikis, Khalilov, donnent à cette société criminelle agissant sur le territoire du Daghestan, le statut d’une force politique organisée”.
Le fondateur du journal, Khadjimourat Kamalov, a déclaré à la presse : “Cette perquisition est une réponse préparée par le ministre de l’intérieur du Daghestan. J’ai rencontré le 25 août le président du Daghestan en présence du procureur de la République, du directeur de l’administration du FSB et du ministre de l’Intérieur. J’ai publiquement reproché à ce dernier d’être responsable de la corruption dans notre République.”
La rédactrice en chef de Tchernovik, Nadira Isaeva, a expliqué que les perquisitions des domiciles de ses collègues étaient illégales, puisqu’ils ne sont entendus dans cette affaire qu’en qualité de témoins.
Cet article est repris du site http://fr.rsf.org/russie-acquitteme...