17 décembre 2010
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Rwanda : Rapport de l’ONU sur le génocide des Hutu au Congo : l’attitude de Kigali est-elle cohérente ?
source : Musabyimana.be : Informations et documentation sur le Rwanda
Publié le 15 août 2010, dans la rubrique Rwanda..  envoyer l'article par mail envoyer par mail

Pour les observateurs réguliers de la situation dans la région des Grands Lacs africains, les révélations contenues dans un rapport du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme (HCDH), rapport dont une copie provisoire circule depuis quelques jours sur le Web, n’apportent pas d’informations vraiment nouvelles.

On savait depuis longtemps que des crimes internationaux avaient été commis par les différentes forces qui se sont affrontées sur le territoire de l’actuelle République Démocratique du Congo (anciennement Zaïre) dans la seconde moitié des années 90 et durant les premières années de la décennie 2000.

À l’époque, comme aujourd’hui, ce sont les crimes commis par le corps expéditionnaire du Rwanda qui avaient retenu le plus d’attention à cause de leur caractère singulier. Les colonnes de l’Armée patriotique rwandaise (APR) s’étaient livrées à une impitoyable chasse à l’homme visant les réfugiés rwandais, majoritairement Hutu, et cela sur plus de 2500 km, d’Est en Ouest, de l’immense territoire congolais, balayant au passage et indistinctement autant de Hutu congolais que d’autres populations autochtones.

Ces crimes internationaux ont été largement documentés. Le rapporteur spécial des Nations unies sur le Congo (1994 - 2001), Robert Garreton, a régulièrement produit des rapports là-dessus, depuis 1996 jusqu’à la fin de sa mission. Des ONG, présentes sur place, en ont donné des témoignages crédibles dont certains sous forme vidéo qui sont aujourd’hui disponibles sur la toile informatique. À ma connaissance, il existe au moins une demi-douzaine d’ouvrages publiés par des rescapés de cette odyssée sanglante. Le Canada a généreusement accueilli des dizaines de personnes qui ont réussi à passer entre les mailles de cette traque humaine. Ce qui surprend donc, ce n’est pas tant la matérialité des crimes décrits dans ce rapport que la réaction du gouvernement rwandais qui tente de nier l’évidence de ses responsabilités en cherchant à étouffer sa publication.

Avec la maturité que seize ans de pouvoir auraient dû leur assurer, on se serait attendu à ce que les plus hauts responsables de l’État rwandais expriment des regrets au peuple congolais pour ses malheurs dont ils sont principalement à l’origine. On se serait également attendu à ce que les autorités rwandaises fassent preuve de compassion pour leurs concitoyens qui ont été soumis à des épreuves inhumaines, fatales pour beaucoup d’entre eux… Non ! Au contraire, dans un bel unanimisme à la soviétique, Kigali et ses chevau-légers se livrent actuellement à un concert de dénégations.

Mme Louise Mushikiwabo, la ministre rwandaise des Affaires étrangères et porte-parole du gouvernement est montée au créneau pour qualifier les conclusions de ce rapport de « fatalement viciées ». Des parlementaires qui avaient, à l’époque des faits, séjourné dans des camps de réfugiés de l’Est du Zaïre, ont déclaré qu’il n’y a pas eu de civils tués, comme si les bombes, que l’armée rwandaise faisait pleuvoir sur ces camps, étaient assez « intelligentes » pour distinguer les civils innocents des méchants miliciens !

Pourtant, le 13 avril dernier, le président Kagame lui-même, dans une de ses bravades dont il est devenu friand, avait déclaré, sous les applaudissements du Parlement (traduction libre du kinyarwanda) « nous les avons trouvés là où ils étaient ; nous avons fait rentrer ceux qui devaient rentrer et nous avons tué ceux qui devaient être tués »… Apparente contradiction des dirigeants rwandais ? Pas vraiment.

Il faut suivre l’argumentaire développé par la ministre pour décoder le message que veulent véhiculer les dirigeants actuels rwandais. Madame la ministre se croit fondée de confondre l’ONU « qui a tourné son dos contre le peuple rwandais pendant le génocide de 1994 » et qui ose maintenant mettre en cause cette même armée « qui a arrêté ce génocide  » en l’accusant de « commettre des atrocités en République Démocratique du Congo ».

Ce raisonnement constitue d’abord un sophisme, car l’on comprend que, être l’auteur d’un acte, si héroïque soit-il, ne vous immunise, pour l’avenir, contre aucun autre acte qui pourrait s’avérer répréhensible. Mais plus grave encore, cette quête d’une absolution inconditionnelle et universelle pour l’armée qui se targue d’ « avoir a arrêté le génocide  » traduit une philosophie politique beaucoup plus délétère si elle était partagée par les élites rwandaises. C’est le fait d’être persuadé que tout acte répréhensible qui se fait au nom du groupe auquel on s’identifie, de son ethnie, voire d’une cause (les fameuses « guerres de libération », par exemple), est moralement acceptable et doit être non seulement excusé, mais aussi glorifié.

C’est cette conception qui fait le lit de la culture de l’impunité non seulement au Rwanda, mais aussi, - et je le crains -, dans toute cette partie de l’Afrique dite des « Grands Lacs » où d’innombrables crimes internationaux ont été commis pendant les deux dernières décennies. Voilà l’hydre contre lequel il faut s’attaquer résolument. Et la communauté internationale devrait être mise à contribution.

Certains observateurs pensent que ce sont les allégations de génocide faites à l’endroit de l’armée rwandaise qui font le plus sortir de ses gonds, le régime de Kigali. Pour ce dernier, il est inacceptable que l’on parle d’un quelconque génocide des Hutu qui risquerait ainsi d’acquérir le même statut que celui perpétré contre les Tutsi en 1994.

C’est devenu un modus operandi  de ce régime : chaque fois que l’on évoque, à son endroit, des allégations de crimes commis depuis le 1er octobre 1990, date à laquelle, encore rébellion de maquisards, elle a ouvert un conflit armé qui allait s’avérer un des plus sanglants de l’humanité, l’armée rwandaise, à travers son leadership politique, sort son arme favorite, à savoir le chantage.

On évoque alors le révisionnisme et le négationnisme. Ce n’est pas la meilleure façon de faire triompher la vérité. Car, comme vient de le prouver ce rapport des Nations unies, l’histoire de la décennie sanglante de 1990 à 2000 dans cette partie de l’Afrique, est encore en train de s’écrire. Et ici, comme ailleurs, elle s’écrit à travers une analyse non complaisante des faits. Balayer tout débat contradictoire sous le manteau opaque du révisionnisme et du négationnisme ne sert que les intérêts de ceux qui veulent étouffer dans l’œuf toute perspective d’alternance au pouvoir.

Pour les victimes, cette querelle de qualification juridique est de toute façon intempestive et malvenue. Par contre, ce qui importe le plus pour les populations de cette région, et pour l’humanité entière, c’est d’engager un effort pédagogique pour éradiquer cette culture de l’impunité. De la sorte, leur immolation n’aura pas été vaine. Dans cette optique, il est encourageant de constater que le gouvernement de la République Démocratique du Congo - premier destinataire de ce rapport, faut-il le rappeler - a fait preuve de plus de sérénité dans sa réaction, laissant même entendre que le principe de la création d’un Tribunal pénal international pour le Congo était une chose acquise pour sa classe politique.

L’appui du Canada et du reste de la communauté internationale dans la création de cet instrument judiciaire serait salutaire pour la région des Grands Lacs africains.

 Dr. Augustin BAZIRAMWABO, Président
Communauté des immigrants rwandais de la région d’Ottawa-Gatineau (CIRO)
28/09/2010

Cet article est repris du site http://www.musabyimana.be/lire/arti...

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