L’un des points clefs du dialogue public sur la guerre en Afghanistan est la date du retrait des troupes. Aux États-Unis comme dans les autres pays impliqués, ce sujet devient aussi important que le nombre de morts, les méthodes employées où les objectifs poursuivis. Parfois au détriment d’autres priorités tactiques et stratégiques.
Un civil afghan blessé dans un accident est évacué par l'armée de l'air américaine.
Il est pourtant tôt pour envisager une sortie. La situation est toujours tendue. Les combats sont toujours aussi violents. L’année 2009 a été la plus meurtrière pour les soldats de l’ISAF (521 morts) et 2010 est partie pour être encore plus coûteuse en vies humaines (déjà 451 morts). Les officiers militaires sont loin d’être optimistes comme en attestait l’intervention du général français Vincent Desportes dans le quotidien Le Monde : “la situation sur le terrain n’a jamais été pire”. Le ministre de la Défense Hervé Morin est lui même loin de s’avancer sur un calendrier.
Politiquement, l’Afghanistan est un calvaire pour les gouvernements participant à sa sécurisation. Que ce soit l’administration Obama ou le gouvernement Sarkozy, l’un des leitmotivs lorsque l’on évoque le sujet est la date de retrait. “Bientôt”, “au plus tôt” … “en 2011″. Ce calendrier avancé notamment par Robert Gates, le secrétaire d’État à la Défense américain, laisse penser que les soldats étrangers commenceront à quitter ce théâtre dès juillet 2011.
Dimanche dernier, le général David Petraeus a assuré à la presse qu’il n’hésiterait pas à “donner ses meilleurs conseils militaires” au Président Obama, même s’il s’agissait de qualifier ce calendrier prévisionnel comme “prématuré”. Robert Gates lui ne recule pas et réplique qu’il n’est pas question de remettre en cause cette date.
En France aussi le retrait est au cœur des discours politiques sur l’Afghanistan. La question revient systématiquement sur le tapis. Car comme tout le monde, Paris aimerait bien plier bagage et se sortir de se guêpier. Le choix politique de suivre Washington dans cette guerre reste mal compris par les Français qui n’obtiennent que des justifications évasives sur les raisons de cet engagement.
Alors, pour sauver les Afghans d’un joug obscurantiste, sans plus de détails finalement que quelques notions moralistes comme le sort des femmes et la lutte contre un terrorisme abstrait dans la culture générale française, on envoie nos jeunes. 45 d’entre eux sont tombés en Afghanistan depuis 2001. Et la situation est la même en Allemagne, en Grande-Bretagne et dans les autres nations actives militairement en Afghanistan. Le dialogue entre les élus et l’opinion publique y est à chaque fois compliqué et le calendrier de retrait apparaît systématiquement comme un moyen de gagner du temps.
Les enjeux stratégiques de ce conflit restent nombreux et les efforts requis importants. Si l’ISAF et le Pentagone se flattent d’avoir atteint les objectifs en terme d’effectifs pour l’armée afghane, ses officiers manquent cruellement d’expérience comme l’évoquent des cadres français selon le Canard enchaîné de cette semaine. De même, d’importants renseignements sur les opérations filtreraient par le biais de l’ANA vers les insurgés. Les routes sont toujours aussi piégées. Les quantités d’armes, importantes. La menace continue de planer lourdement sur les civils qui paient un lourd tribut dans cette guerre.
Il est de la responsabilité des élus et du gouvernement, contraints d’assumer ce choix de la France, d’en expliquer les tenants et les aboutissements aux citoyens. En focalisant l’attention sur une date de retrait imminente, les politiques masquent la réalité du terrain. C’est une erreur que de garder les Français dans la méconnaissance de ce sujet. Ils sont tout à fait capables de comprendre pourquoi nos soldats ont besoin d’hélicoptères, de drones et de tous les moyens de protection possibles. Mais pour accepter ces investissements, ils doivent comprendre pourquoi ils sont en Afghanistan. Une action pédagogique est indispensable.
C’est également un jeu dangereux pour les hommes et les femmes d’armes qui participent aux opérations sur le terrain, partagés entre deux réalités. Eux-même constatent la dualité des discours. Quand ils sont en France, ils entendent les politiques parler de départ. Quand ils sont sur le théâtre d’opérations, ils ne peuvent constater que leur présence sera nécessaire encore longtemps.
Photos : US Army / Staff Sgt. Horace Murray & US Air Force
Romain Mielcarek, Actudéfense
Cet article est repris du site https://www.alliancegeostrategique.o...