Dans une interview accordée au journal newyorkais World Street Journal, le Président Kagame a littéralement nié avoir envisagé ce retrait des des troupes rwandaises du Soudan, contredisant ainsi sa ministre des Affaires étrangères, le porte-parole de l’armée et d’autres membres de son gouvernement.
Qu’est-ce qui pousse le président rwandais a opérer ce revirement, 3 jours seulement avant la publication du fameux rapport ? C’est la question que tout le monde se pose ! Mais on peut imaginer plusieurs hypothèses :
- Soit l’ONU a cédé aux pressions du Rwanda et a aménagé le rapport définitif de sorte que les termes « génocide », « crimes contre l’humanité », « crimes de guerre », en ont été élagués ;
- Soit un compromis a été trouvé pour qu’il n’y ait aucune suite judiciaire à ce rapport qui ne pouvait pas être rejeté étant donné que le monde entier avait été mis au courant de son existence et, dans une certaine mesure, de son contenu. D’ailleurs le World Street Journal rapporte que le président Kagame a juré de reconsidérer cette position du Rwanda si des poursuites judiciaires venaient à être engagées contre ses officiers ou contre lui-même ! Le problème ici demeure, parce que si le rapport est publié dans sa version d’août, des problèmes ne manqueront pas de surgir sur la légitimité du FPR à gouverner, l’iniquité de la justice internationale et le processus de réconciliation Hutu-Tutsi jusqu’ici délicatement entretenu ;
- Enfin, la dernière hypothèse consisterait à penser que c’est plutôt le Rwanda qui a cédé malgré lui. En effet, malgré le leadership du président Kagame et la bonne réputation acquise par son gouvernement ces dernières années, le Rwanda reste un petit pays pauvre et surpeuplé, dont l’équilibre politique, social et économique très fragile repose en grande partie sur l’assistance internationale. Bien plus, des problèmes judiciaires et diplomatiques ont révélé que Kagame pouvait être vulnérable plus qu’il en a eu l’air par le passé. Aussi s’enorgueillir à retirer ses troupes n’aurait fait qu’affaiblir davantage sa position, entamer son isolement politique, et peut-être même affecter l’aide et la crédibilité dont le pays bénéficie. On ne peut pas non plus oublier les avantages d’ordre économique et stratégique que le Rwanda tire de ces missions de maintien de la paix. La compagnie rwandaise Rwandair a gagné le marché pour le transport des troupes à destination ou en provenance du Soudan (où des rotations sont effectuées tous les 6 mois), et les soldats ainsi que les autres membres du personnel rwandais touchent des sommes considérables par rapport à leur revenu habituel. Compter aussi l’expérience militaire acquise par les troupes, les formations, le matériel militaire de pointe, etc. Bien plus, le Rwanda en profite pour se positionner comme pionnier africain en matière de maintien de la paix. Son image sur le plan international et sa position en Afrique s’en trouvent renforcées (si le Rwanda n’avait pas eu ces troupes au Soudan, on s’imagine mal quel autre moyen de pression il aurait utilisé contre l’ONU dans le cas d’espèce !).
Tout ceci n’est qu’hypothèses. D’ici les jours et les semaines qui viennent, Kagame sera amené à expliquer les raisons de son revirement, et ce qui est encore un secret apparaîtra au grand jour. Affaire à suivre donc, et prudemment…
JMN
Kigali, le 27 septembre 2010
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