Un article accrocheur du Wall Street Journal relate comment quelques experts en télécommunications ont piraté l’opérateur national Libyana afin de créer Free Libyana, le réseau de téléphonie mobile de la rébellion libyenne.
Le hub infrastructurel central de Libyana (firme publique dirigée par la famille Kadhafi) étant basé à Tripoli, le Colonel Kadhafi se fit un plaisir de priver l’insoumise région orientale de services télécoms et internet. Les insurgés libyens furent donc condamnés à utiliser des drapeaux pour communiquer ou pour signaler les mouvements de troupes adverses.
Cadre libyen-américain en télécommunications exerçant entre Huntsville et Abou Dabi et menant des opérations humanitaires dans son pays natal, Oussama Aboushagour avait constaté que les infrastructures en télécommunications de la région est étaient en grande partie intactes. À coup de diagrammes griffonés sur une serviette lors d’un vol entre l’Egypte et les Emirats Arabes Unis, il planifia : 1/ l’infiltration en ligne de l’architecture informatique de Libyana, 2/ le piratage de ses signaux hertziens et de ses bases de numéros téléphoniques, 3/ la création d’un réseau de téléphonie mobile à partir de celui géré par l’opérateur national, 4/ l’extraction et l’autonomisation de ce nouveau réseau du contrôle de Tripoli.
Mi-mars 2011. Pendant que la rébellion libyenne penait lourdement à Benghazi et à Syrte sous les coups de boutoir de l’armée de Kadhafi, Aboushagour forgea une équipe américano-arabe d’experts en télécommunications et tenta d’acquérir du matériel compatible auprès de l’équipementier chinois Huawei (principal fournisseur de Libyana) qui refusa net. Fort du soutien diplomatique et financier des gouvernements qatari et émirati, il put tout de même acquérir un mix d’équipements télécoms et s’envola avec son équipe pour la Libye via l’Egypte… qui lui mit quelques bâtons dans les roues puis laissa libre libre cours à son initiative. Signe des temps ?
Avril 2011. Dès son arrivée dans l’est libyen, l’équipe Aboushagour mit aussitôt son plan en oeuvre et réimplanta l’annuaire des abonnés de Libyana dans celui vierge de Free Libyana, réseau de téléphonie mobile crée au nez et à la barbe de Tripoli, bénéficiant grâcieusement du relais satellittaire d’Etisalat, opérateur émirati de télécommunications (13ème rang mondial) présent dans 18 pays d’Afrique, du Moyen-Orient et d’Asie. Ainsi, les résidents et les rebelles de la région orientale purent à nouveau communiquer avec leurs numéros de téléphone d’antan. Cerise sur le gâteau : leurs communications locales seront gratuites jusqu’à élaboration par Free Libyana d’un service de facturation digne de ce nom.
Après la tâche d’huile des « révolutions 2.0 » (Tunisie, Egypte, Yémen, Syrie), le « modèle Aboushagour » de hacking téléphonique inspirera-t-il d’autres insurrections / sécessions ?
Wall Street Journal : Rebels Hijack Gadhafi’s Phone Network
Charles Bwele, Electrosphère
Cet article est repris du site https://alliancegeostrategique.org/2...