Pas d’Opération Umoja Wetu II, ouverte ou cachée.
L’année 2010 est pleine d’émotions et d’événements en Afrique Centrale. Les élections burundaises ont confirmé le Président Nkurunziza dans son mandat, mais en cours de route on a perdu l’opposition. Ceci crée un risque que le pays retombe dans le conflit et dans le monopartisme, qui écarteront le pays du défi principal : mettre en place une lutte effective contre la pauvreté, gérée par la bonne gouvernance.
La RDC a fêté son Cinquantenaire. Le Chef d’Etat l’a capitalisé comme plate-forme de lancement de sa réélection qu’il désire organiser dans un environnement politique aussi contrôlé que possible. Mais les institutions de la Troisième République n’ont toujours pas atteint leur rythme de croisière et le gouvernement n’arrive pas à renverser la dynamique de désintégration à l’Est.
Au Rwanda, la réélection de Kagame a pris des tournures inattendues. La formalité festive à laquelle il s’attendait a été troublée non seulement par une opposition réellement antagoniste mais surtout par le fait que des personnes qui ont longtemps fait partie du cercle intime du pouvoir se sont tournées contre lui. La fuite du Général Kayumba a créé un pôle autour duquel les différentes formes de mécontentement pourraient se cristalliser. Du coup, l’armée rwandaise n’est plus l’épine dorsale du régime, mais son tendon d’Achille.
Dans les trois pays nous observons au même moment une perte de crédibilité du processus de démocratisation avec des répercussions graves sur la sécurité. En août, j’ai fait une mission pour mieux comprendre dans quelle mesure l’opposition des généraux dissidents contre Kagame a des répercussions sur le paysage politico-militaire à l’Est du Congo. J’ai parlé avec beaucoup d’acteurs sur la scène politico-militaire, des amis de la société civile et des personnalités occupant des postes-clé dans les institutions internationales. Je conclus que Kayumba, avec l’aide active de Museveni, essaye de forger des alliances avec des groupes qui pourraient être mobilisés contre le régime rwandais. La partie du CNDP qui est restée fidèle à Nkunda par exemple, et qui n’a jamais digéré son arrestation. Ou le FRF. Le FPLC, de toute évidence. Certains groupes Mai Mai. Une partie même des FDLR. Aussi les personnes qu’Agathon Rwasa essaye de mobiliser, non seulement dans les milieux FNL mais aussi dans des cercles d’ex-FAB mécontents, sont ciblés comme des alliés potentiels. Mais je constate aussi qu’on n’est pas encore très loin dans la démarche et que c’est très peu probable qu’une alliance anti-Kagame soit opérationnelle à court terme. J’ai plutôt l’impression que Kayumba essaye de s’établir une base arrière sur le territoire congolais à moyen terme.
Dans ce contexte, une nouvelle opération militaire conjointe entre le Rwanda et le Congo, ouverte ou cachée, appelée Umoja Wetu ou sous un autre nom, n’apportera rien à la stabilité régionale. Elle aura le même impact négatif que toutes les autres opérations militaires depuis janvier 2009 : elle dispersera et radicalisera les acteurs armés sur le terrain. Elle fera des dégâts dans la population civile et elle annihilera l’espace pour des voies négociées vers une démobilisation volontaire. Elle ne contribuera en rien à la paix durable. Il s’agira d’une démarche machiavélique où Kagame aidera Kabila à établir un certain contrôle sur l’Est du Congo pendant que Kabila permettra à Kagame de démanteler tout ce qui s’organise sur le territoire kivutien contre lui. Le levier n’est pas dans les opérations militaires mais dans le dialogue et dans l’inclusivité.
Kris Berwouts
Directeur Eurac
21/9/2010
Cet article est repris du site https://www.musabyimana.be/lire/arti...