L’équipe gouvernementale de 36 membres comporte des cadres issus de groupements ou partis politiques proches d’Ouattara et de la société civile.

En fin de compte, le Front populaire ivoirien (parti du président déchu Laurent Gbagbo) s’est abstenu de faire part du gouvernement qui était censé être un "gouvernement d’union nationale".

Sans l’ombre d’un doute, cette donne politique apporte de l’eau au moulin de ceux qui pensent que la tâche ne sera pas du tout aisée pour les nouvelles autorités gouvernementales.

Face à ce gouvernement unique qui devra conduire le pays "à bon port" selon le vœu d’Alassane Ouattara se trouvent plusieurs défis et non des moindres.

Le pays, après moult agitations qui se sont soldées par de nombreuses pertes en vies humaines et d’énormes dégâts matériels, doit d’abord retrouver la paix et la quiétude.

"Il faut relever le défi de la paix et de la réconciliation. Ce défi passe nécessairement par la police nationale qui doit s’impliquer dans le processus de sécurisation du pays", avait énoncé le ministre de l’Intérieur Hamed Bakayoko lors d’une rencontre avec les agents de police début mai.

"VIVRE ENSEMBLE ET VIVRE EN PAIX"

Le gouvernement, conscient des griefs répétés contre les abus, les maltraitances et les menaces de divers ordres qui persistent encore, devra ainsi prendre à bras-le-corps la question de la sécurisation des biens et des personnes et de la normalisation pour satisfaire les Ivoiriens qui veulent "vivre ensemble", mais surtout "vivre en paix".

"A Abidjan, les armes circulent partout et nous avons l’impression que n’importe qui en porte. Nous avons peur. Il faut de l’ordre pour que la paix revienne", s’étaient inquiétés des jeunes lors d’une rencontre de la jeunesse des partis politiques mardi à Abidjan à l’initiative de l’Institut national pour la démocratie (NDI).

La même inquiétude habite les Ivoiriens exilés à l’extérieur du pays et qui veulent observer avant de rentrer au pays.

"Il faut retourner à la normalité pour que les nombreux Ivoiriens qui sont à l’étranger reviennent et que les opérateurs reprennent leurs activités", avait aussi plaidé pour sa part le président de l’Assemblée nationale ivoirienne, Mamadou Koulibaly (proche de Gbagbo) lors d’une rencontre avec les responsables de l’Opération des Nations unies en Côte d’ivoire (ONUCI) à la mi-mai.

BRISER LES MURS DE LA MEFIANCE

La paix et la réconciliation étant liées, il s’impose pour la nouvelle équipe d’œuvrer à rapprocher de nouveau les Ivoiriens et à briser les murs de la méfiance.

Cette méfiance est perceptible non seulement au niveau de la population civile, mais aussi au niveau des militaires qui tardent à travailler ensemble, qui tardent à se retrouver au sein d’une seule armée.

"Le pays est politiquement divisé, mais aussi militairement divisé. Le tissu social est déchiré et il va falloir le recoudre", s’est exclamé la présidente d’une association féminine de Yopougon (quartier à l’ouest d’Abidjan), Léopoldine Yara.

Pour celle-ci, les fils et filles d’une même nation doivent se parler et se donner la main pour construire mais surtout pour sauver le pays.

Mme Yara a alors suggéré une étroite collaboration entre le gouvernement et la Commission dialogue, vérité et réconciliation afin de panser les plaies de manière efficace tant chez les civils que chez les militaires qui sont aussi appelés à former une armée.

De l’avis de certains observateurs, cette question de réunification de l’armée, le Premier ministre Guillaume Soro qui s’est vu attribuer le porte-feuille de la défense aura à s’y attaquer, afin que les Ivoiriens n’aient plus affaire à "une armée à plusieurs visages", mais à une armée nationale et véritablement républicaine.

SUSCITER LA RENAISSANCE ECONOMIQUE

Outre la paix entre populations et entre frères d’armes, il urge aussi de songer à la stabilité économique.

"L’économie ivoirienne a pris un sérieux coup après les saccages qui ont eu lieu. Le chômage a pris de l’ampleur, et la vie devient de plus en plus chère. Pour ramener la paix, le gouvernement doit faire renaître et ensuite dynamiser le secteur de l’économie, car comme le dit l’adage, l’argent est le nerf de la guerre", a estimé Frédéric Tiémélé, cadre d’une entreprise de téléphonie qui a subi des actes de pillage durant la période de violences.

"Ouattara a hérité d’une Côte d’Ivoire économiquement affaiblie. Mais je pense qu’avec les soutiens financiers qu’il a obtenus lors de ses récents voyages, il peut avoir des lueurs d’espoir", a-t-il fait remarquer.

L’adjoint au maire de Marcory (commune au centre d’Abidjan) Lamine Diabagaté se dit également convaincu qu’il y a des raisons d’espérer.

De son avis, la tâche est immense, mais pas impossible.

"Le nouveau gouvernement est chargé de réconcilier la Côte d’Ivoire, mais aussi chargé de repositionner le pays sur la voie du développement. C’est une promesse de campagne et je pense que le président Ouattara tiendra cette promesse", a-t-il noté.

La constitution du nouveau gouvernement Ouattara ouvre ainsi pour nombre d’Ivoiriens et d’habitants de la Côte d’Ivoire les pistes d’un espoir de retrouver une vie normale, et de faire un bond économique en avant.

L’exécution des tâches et la gestion des différentes questions constitue un exercice non seulement pour les personnalités composant le gouvernement y compris le Premier ministre Guillaume Soro, mais aussi un test pour le président Ouattara lui-même qui a promis de faire de la Côte d’Ivoire un pays émergent dans les prochaines années.

La Côte d’Ivoire tente de retrouver la normalité après une crise post-électorale aigüe qui a secoué le pays cinq mois durant.

La crise a fait au moins 3 000 morts et un million de personnes déplacées selon les autorités ivoiriennes.