La Stiftung Wissenschaft und Politik (SWP), le think tank allemand le plus important, a publié ce mois-ci un document intitulé « Crise financière et coopération de défense » (Finanzkrise und Verteidigungskooperation), où elle compare les dépenses militaires de huit pays européens et des Etats-Unis. Voici les seuls chiffres que je souhaite vous montrer :

Budget défense / PIB en 2009-2010 : Allemagne : 1,3%, USA : 4,9%, Royaume-Uni : 2,8%, France : 1,6%, Italie : 1%, Suède : 1,2%, Pologne : 1,8%, Pays-Bas : 1,5%, Espagne : 0,7%.

Le document part bien du constat qu’à cause de la crise, les pays européens désarment, alors que le monde entier réarme. Le SIPRI a calculé que les dépenses mondiales d’armement en 2009 étaient de 1200 milliards d’euros (calcul en euros, pas en dollars !), soit un accroissement de 6% par rapport à 2008 et de 50% par rapport à la situation il y a dix ans. La crise financière n’a donc pas eu pour effet de réduire les dépenses militaires – sauf pour l’Europe…

Les membres de l’UE mènent de manière généralisée une politique de rigueur (extrême selon les cas), il semble donc clair que certaines fonctions opérationnelles ne pourront donc plus être assurées.

La SWP milite donc de mutualiser certaines de ses fonctions, en accroissant soninterdépendance. Mettant à l’écart des initiatives de coopération bilatérales (notamment le rapprochement militaire franco-britannique), elle dit que les États doivent faire des choix sur les capacités qu’elles souhaitent garder, et harmoniserceci avec leurs alliés européens.

Elle invite les États à s’interroger sur ce qu’elles veulent être en mesure de réaliser, en opérations, sur le territoire national, et quelles capacités ou quels outils ils veulent conserver. Si les États se concentrent tous sur d’autres sujets, l’UE en tant qu’acteur global pourra conserver une défense cohérente. Mais cela nécessite une véritable coopération politique, mue d’une véritable volonté politique, et non seulement de quelques projets concrets – qui resteront d’un niveau faible, finalement.

Ce texte, résolument international, provient pourtant d’un think tank considéré plutôt comme conservateur en Allemagne. Cette prise de position si claire est donc assez étonnante, même si les Allemands sont généralement plus ouverts à de la coopération internationale que certains de ses voisins.

L’objectif semble clair : il faut tenter de ne pas subir la crise financière. Et si celle-ci va nous contraindre à travailler ensemble à cause de restrictions budgétaires qui, pour des raisons politiques n’épargnent pas les armées, il faut essayer de faire des choix.

Vivre c’est choisir, mais choisir, c’est renoncer… nos États vont douloureusement devoir se rendre compte qu’ils doivent renoncer à certains moyens militaires s’ils continuent à diminuer les crédits, c’est mathématique. Mais si l’on fait confiance à ses voisins, et qu’on se coordonne pour partager les tâches, nous pourrions nous en sortir néanmoins.

Au final, la question est bien là : sommes-nous tous prêts à faire confiance à nos voisins, même dans une Europe unie : est-ce que l’Allemagne serait prête à assurer la dissuasion conventionnelle de l’UE, sous le parapluie nucléaire de la France, permettant à une armée expéditionnaire britannique d’élite constituée de forces spéciales d’intervenir ponctuellement selon le format « first in, first out » sur des théâtres d’opérations partout dans le monde ?

Victor Fèvre, Rhin Danube Oder (RDO)

Cet article est repris du site https://www.alliancegeostrategique.o...