Guerres Civiles, conflits frontaliers, révoltes populaires, coups d’Etat, grand banditisme, fraudes électorales, coupeurs de route, piraterie maritime, la mauvaise gouvernance, etc. tels sont les événements qui organisent et rythment la conflictualité en Afrique.
L’Afrique accède à l’indépendance alors que la guerre froide bat son plein et la conflictualité, qui y prévaut, se pose comme un affluent de la source antagonique Est/Ouest. La chute du mur de Berlin et du Communisme entraîne une rupture épistémologique avec le retrait de la variable « conflit Est/Ouest » et l’émergence du paradigme ethnique. L’Afrique s’embrase dans une nouvelle dynamique conflictuelle rendant caduque le Droit de Genève et de la Haye. Les concepts d’enfant soldat font irruption dans le compartiment des combattants, les civils sont érigés en objectifs militaires. Les richesses économiques et énergétiques sont assimilées à des facteurs conflictogènes. Les Nations - Unies sont paralysées, les organismes régionaux et sous régionaux s’évanouissent et se succèdent les uns après les autres. Le dilemme de sécurité se définit non plus uniquement par rapport à l’Etat mais intègre de plus en plus l’ethnie, le parti politique. L’insécurité devient une donnée constante, les Etats sont déliquescents. Ainsi, dans cet environnement, l’Afrique devient une prédilection de la prolifération et la circulation des armes légères et de petit calibre.
Il est à noter que d’énormes quantités d’armes légères et de munitions sont actuellement fabriquées dans de nombreuses usines disséminées à travers la planète, mais fortement concentrées dans les pays du Nord. Dans cette production sans cesse croissante, le continent africain occupe une place non négligeable avec ses industries naissantes, mais déjà très productives. L’Afrique excelle aussi dans la fabrication artisanale des armes. Cette fabrication locale est d’une importance mineure, mais aggrave considérablement le phénomène de la circulation des armes. Ces armes circulent abondamment et de façon incontrôlée dans le monde et en particulier dans la sous –région d’Afrique Centrale, grâce aux facteurs socio-politiques, les conflits armés, les mouvements de réfugiés, le commerce international incontrôlé de ces armes, les techniques de transfert mises en œuvre par les trafiquants et à cause de la faiblesse des contrôles au niveau des frontières et sans oublier l’absence d’une norme internationale coercitive sur les ALPC, la réglementation mitigée de certaines armes telle que la kalachnikov (Ak-47), l’absence d’un instrument fiable sur la traçabilité et le marquage des ALPC et enfin les caractéristiques physiques mêmes de ces armes.
La prolifération incontrôlée et la circulation anarchique des armes légères ne sont pas sans conséquences dévastatrices dans cette région d’Afrique centrale. En plus de détruire de nombreuses vies humaines, les armes légères constituent une grave menace pour la paix, la sécurité et la stabilité ainsi que le développement durable. L’accumulation des armes légères prolonge les conflits, exacerbe la violence, contribue fortement au déplacement massif des populations civiles et aux violations abusives des droits humains et du droit international humanitaire, surtout au détriment des femmes et des enfants. Elle favorise également la recrudescence de la criminalité organisée nationale et transfrontalière ainsi que le développement des ramifications des liens existant entre le commerce illicite des armes légères, les trafics de drogues et de minéraux précieux. En outre, les armes légères constituent une grande entrave à la recherche d’une solution durable aux différents conflits qui déchirent le continent en général et l’Afrique centrale en particulier.
Face à cette situation, plusieurs mécanismes et instruments ont été mis en place, tant au niveau sous régional qu’à l’échelle internationale, pour combattre le phénomène de la prolifération et la circulation illicites des ALPC. Mais il est à déplorer que ces mécanismes et instruments comportent des lacunes importantes et ont montré leurs limites. Ce qui a contribué à aggraver considérablement le phénomène.
Ainsi, pour mettre fin à ce fléau, des efforts devraient être faits. L’Union africaine, en tant que système de sécurité collective, devrait pouvoir atteindre certains objectifs, notamment : négocier avec les pays la réduction des stocks d’armements, créer des mécanismes ou des lieux de discussion afin de permettre le règlement pacifique des différends pour éviter que ceux-ci ne dégénèrent en conflits ouverts, sources en fait d’accumulation des ALPC. Elle doit aussi favoriser la coopération entre Etats en vue de faciliter le contrôle des frontières et la répression des trafics d’armes.
Toutefois, un grand pas vient d’être franchi par les Etats d’Afrique Centrale en signant le 19 Novembre 2010 à Brazzaville une convention sur le contrôle de la circulation des armes légères et de petit calibre (ALPC), censée aider à réduire la violence dans leur zone en proie à des rebellions et groupes armés. Etant donné que dans cette région quelque sept millions d’armes légères et de petit calibre sont en circulation d’une manière illégale, cette convention permettra de mettre fin au trafic illicite de ces armes, de leurs munitions, de toutes pièces et composantes pouvant servir à leur fabrication, réparation et assemblage dans les pays de cette région. Cette convention, qui entre en vigueur en 2011, doit être accompagnée par d’autres mesures rigoureuses. Pour cela, un observatoire sur les ALPC doit être créé pour collecter les informations sur les mouvements illicites des armes et des munitions afin de les mettre à la disposition des Etats, contrôler les frontières afin de prévenir et d’arrêter les mouvements illégaux des armes et des munitions. Les institutions de sécurité doivent être renforcées et encourager aussi l’implication des experts civils dans la lutte contre la circulation des ALPC.
Toutes ces mesures seront vaines si les Etats d’Afrique centrale ne s’attaquent pas à la corruption, surtout à l’égard des forces de sécurité et du personnel des douanes chargés des contrôles au niveau des frontières. Ils doivent aussi mettre l’accent sur la lutte contre la pauvreté. L’instauration de la bonne gouvernance et de la transparence dans la gestion des affaires publiques peut aider à éradiquer le fléau de la prolifération et la circulation des armes légères et de petit calibre.
Selon un rapport du Smal Arms Survey, quelques cinquante milles armes légères et de petit calibre sont en circulation sur le territoire centrafricain. Il est donc important que Les partenaires de la République Centrafricaine mobilisent davantage leurs efforts pour que le Programme DDR et le Projet de Contrôle et de Réduction des ALPC aillent jusqu’au bout avec succès. Les efforts doivent être menés aussi au niveau de l’ONU. Pour cela, l’article 51 de la charte, qui accorde une liberté sans limite aux Etats d’accumuler ou de vendre les armes, doit être révisé. L’ONU doit également parvenir à un traité de non prolifération anarchique des armes légères et de petit calibre et des munitions, et la création d’une agence internationale des ALPC et des munitions comme cela a été fait pour les armes nucléaires. C’est-à-dire l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (l’A.I.E.A).
La mission de cette nouvelle institution, qui est en fait comme la copie de l’A.I.E.A, serait d’inspecter dans des usines de production des armes légères et de petit calibre pour voir si les Etats respectent les normes internationales et les quotas de production fixés. À notre humble avis, l’arrestation des trafiquants d’armes, comme cela vient d’être fait avec l’arrestation de Viktor Bout, doit être accompagnée par ces mesures. Le problème doit être en fait analysé en amont et en aval. Vu les crimes contre l’humanité causés par ces armes, l’heure doit être à l’action. Car, les droits de l’homme doivent être accompagnés, soutenus, enrichis d’une valeur communautaire, une humanité solidaire.
Cet article est repris du site https://www.leconfident.net/CIRCULAT...